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Le contexte culturel des récits bibliques

Les textes de la Bible ont été rédigés à une certaine époque, dans une certaine langue, qui reflète une certaine culture. Quel poids doit-on accorder au contexte culturel ?



Face aux enseignements de la Bible, nous sommes en présence d'un paradoxe : d'un côté, nous reconnaissons qu'elle est la Parole de Dieu, inspirée de Dieu, donc éternelle, immuable, valable encore pour nous aujourd'hui. D'un autre côté, chacun de ces textes a été écrit à une certaine époque, dans une certaine langue, reflétant une certaine culture, sur certains points dépassée. Ces particularismes doivent-ils être considérés comme enseignements éternels ou temporaires ?

Dans le Traité théologico-politique, le philosophe d'origine juive Spinoza souligne l'importance d'une enquête historique pour bien comprendre la Bible. Cette enquête doit, entre autres, porter sur la vie des auteurs, leur but en écrivant, à qui ils s'adressaient, dans quelle langue... Ceci afin "de ne pas confondre des enseignements éternels avec d'autres valables pour un temps seulement et destinés à un petit nombre d'hommes".

A quoi peut donc servir le fait de connaître le contexte culturel ?


1- à mieux saisir les enjeux :


Connaître le contexte culturel dans lequel se déroulent les récits bibliques permet de mieux comprendre ce qui s'y joue, de saisir correctement le sens de certaines déclarations. En effet, certaines actions ou paroles qui peuvent nous paraître banales sont pour l'époque choquantes, ou inversement.

Citons, par exemple, le comportement de Jésus envers les femmes. Quand on connaît la place des femmes dans la société juive à son époque, on saisit mieux à quel point son attitude envers elles est révolutionnaire. Les femmes ne participaient pas à la vie publique, ne pouvaient sortir que voilées, étaient sous la tutelle de leur père avant d'être sous celle de leur mari. Elles n'étaient pas enseignées dans la connaissance de la Torah (l'Ancien Testament), elles n'avaient pas le droit de pénétrer dans le Temple, étaient séparées des hommes dans les synagogues (donc éloignées de l'endroit où l'on lisait et enseignait les Saintes Écritures).

Ainsi, quand Jésus rend visite à Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, et que Marie s'assied à ses pieds pour l'écouter, pendant que Marthe fait le service, on comprend mieux ce qui se joue : être assis aux pieds d'un docteur comme Jésus était une position réservée aux disciples, donc aux hommes. Marthe est à sa place conformément à sa culture, alors que Marie prend une place qui n'est pas la sienne. Mais Jésus répond - parlant de Marie : "Elle a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée" (Luc 10 : 38-42). Il confirme qu'elle est à la place où elle doit être.


2- à traduire :


Certaines tournures sont tributaires de l'époque où elles ont été écrites, mais ne reflètent pas forcément l'esprit dans lequel elles ont été écrites. Donnons immédiatement un exemple pour plus de clarté.

Dans ses lettres, l'apôtre Paul s'adresse généralement aux "frères". Par exemple, dans sa lettre aux chrétiens de Rome : "Ignorez-vous, frères" (Romains 7 : 1), "Ainsi donc, frères" (Romains 8 : 12), "Je vous exhorte donc, frères" (Romains 12 : 1), etc. Cependant, chaque lecteur et lectrice rétablit - en quelque sorte inconsciemment - "frères et sœurs", car nous savons que Paul s'adressait aux hommes comme aux femmes. Il a écrit "frères", parce qu'à son époque on ne s'adressait jamais aux femmes, mais l'esprit de cette adresse est dirigé vers les hommes et les femmes.

Une traduction fidèle peut reproduire cette expression telle quelle, et laisser au lecteur le soin de rétablir l'esprit du propos. Mais un traducteur qui prendrait sur lui de rétablir l'esprit du propos ne trahit pas, à mon sens, le texte. C'est ainsi que la traduction Segond 21 avec notes et références (2007) choisit de traduire "Frères et sœurs".


3- à distinguer enseignements éternels et temporels :


Comme le dit Spinoza, il est arrivé que les enseignements divins soient tributaires, dans leur formulation, de la culture qui les a formulés. Pour certains, c'est tellement évident que quasiment aucun croyant ne le conteste. Mais pour d'autres, il y a débat.

Donnons un exemple qui ne cause pas de polémique. Dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe, l'apôtre Paul donne un avis sur le mariage et le célibat. Il estime, pour ceux qui sont encore célibataires, qu'il vaut mieux demeurer célibataire plutôt que de se marier. C'est ainsi qu'il dit : "Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l'exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son cœur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien. Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux." (1 Corinthiens 7 : 37-38).

On l'a dit, à l'époque, la femme est sous la tutelle de son père, puis de son mari. Mais il n'en est plus de même aujourd'hui : ce n'est plus au père de décider pour ses enfants s'ils demeurent célibataires ou non. C'est aux enfants de prendre eux-mêmes leur décision. Cela n'aurait pas beaucoup de sens de rétablir, chez les chrétiens, la décision paternelle concernant le mariage : c'est un fait culturel qui est dépassé. Cependant, ce qui n'est pas dépassé, c'est l'esprit dans lequel Paul a parlé : le célibat n'est pas une honte, il peut se révéler pour certains ou certaines un état plus enviable que le mariage.

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